L’acharnement des autorités religieuses à l’endroit de l’imam Nanfo Diaby est injuste d’un point de vue politique et religieux.
Comme citoyen tout d’abord, il est libre de prier dans la langue qui lui semble la plus apte à honorer son service envers Dieu, étant entendu que cette revendication de liberté de conscience n’implique aucune contrainte sur les autres fidèles.
Or, l’imam Nanfo n’oblige personne à le suivre dans sa détermination à prier en malinké. Les violences dont il fait l’objet sont alors condamnables et témoignent de l’incapacité de la population et des autorités à honorer l’engagement en faveur des libertés individuelles et politiques, comme en témoigne d’ailleurs la répression en matière de choix et d’orientation sexuelle en Guinée.
Sur le plan religieux, l’islam n’est pas qu’une religion de la NORME (chari’a). Elle est aussi affaire de SENS, comme nous l’apprennent la tradition soufie et la gnose chiite. Ce qui ne veut pas dire que la norme et le sens sont exclusifs, mais que sans le sens la religion s’assèche et devient une coquille vide.
Il y a aussi une distinction de base, selon le USUL El FIQH (les fondements de la jurisprudence musulmane), entre les obligations de la prière dont le manquement entrainent une annulation de la prière et le souhaitable ou le recommandé (le Moustahabb). La Guinée est de tradition majoritaire Malikhite. Or,y-a-t-il une source dans la tradition malikhite ou un verset du Coran qui interdit explicitement et inconditionnellement de prier en Arabe ?
Que le Coran ait été révélé en arabe, cela ne fait aucun doute. Mais la révélation en langue arabe n’entraine pas une obligation stricte de prier en arabe. On peut recommander fortement de suivre l’exemple du prophète, mais on ne peut dire, comme si nous étions Dieu, qu’une personne qui prie en malinké trahit l’islam et ses enseignements.
La relation à Dieu est un infini dialogue dont toute langue peut assurer la médiation, et comme le rappelait le grand Maître soufi et théosophe Ibn El Arabi dans son monumentale ouvrage Les Révélations mecquoises (Futuhat el Makiyya), la prière est un mode d’être, une manière de se rapporter à la transcendance divine dont toute langue peut servir de véhicule.
C’est aussi cela la dimension de sens qui relie le cœur du croyant à la divinité, car Dieu dépasse les LOIS, contextuelles et relatives, dans lesquelles le rigorisme veut l’enfermer. Donc, laissons l’imam Nanfo Diaby parler à son Dieu comme il l’entend.
Amadou Sadjo BARRY
Professeur de philosophie
Cégep de St-Hyacinthe
Québec, Canada