Tant aux yeux de ses concitoyens que sur la scène internationale, Alpha Condé est tellement désorienté qu’il ne sait plus où donner de la tête.
Politiquement désarçonné par une opposition séquestrée mais tenace, économiquement laminé par une décennie de mauvaise gestion sans précédent, il est comme un gros poisson de mer emprisonné dans un bowal. Il est patron de tout, mais incapable de rien pour se tirer d’affaire, si ce n’est d’augmenter le prix du litre du carburant à la pompe. Commentaire.
C’est connu. Le socialo-communiste Alpha Condé et son régime en mal de légitimité ne sont pas de bons élèves en matière de gestion économique et financière. Politicien futé, certes, mais son impopularité a fait qu’il n’a jamais remporté des consultations présidentielles dans les urnes en Guinée même s’il s’est toujours fait déclarer vainqueur des élections successives auxquelles il a participé en 2010 et 2015 avant de se faire prendre dans son propre piège lors du scrutin du 18 octobre 2020 légalisant le forcing législatif et référendaire du 22 mars l’ayant accordé le sexennat actuel. Ce, après une décennie de règne extrêmement traumatisant pour les défenseurs des droits de l’homme et les promoteurs de la bonne gouvernance politique et économique en Afrique.
Installé au faîte du pouvoir, il n’a brillé que dans des improvisations inintelligentes. Et pour cause, Alpha Condé a fait régner la terreur dans les rangs de l’opposition politique. Et pour tenter de couper l’herbe sous le pied de son principal opposant, Cellou Dalein Diallo, il a fait des tours et des détours à l’étranger si fait que son régime a été atteint d’une paranoïa permanente d’une coalition de chefs d’Etats voisins, champions de l’alternance démocratique en Afrique de l’Ouest, contre lui.
Ce délire a coûté au pays la fermeture unilatérale de ses frontières avec la Guinée Bissau, le Sénégal et la Sierra Leone au cours du dernier semestre 2020.
Sa décision, il l’a prise à l’aveuglette sans avoir consulté l’ensemble des ministres et les membres de la nouvelle Assemblée nationale installée le 21 avril 2020 – pourtant acquise à la cause de son sexennat – et sans avoir donné le temps nécessaire aux techniciens de la diplomatie et aux sécurocrates d’analyser sérieusement toutes les implications stratégiques au-delà des coûts économiques et des conséquences directs et indirects que cela aurait pu avoir dans la perception de l’image de marque du pays à l’international, l’application du principe de libre-échange, et le respect du bon voisinage entre membres de la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), l’organisation intergouvernementale régionale de 15 membres dont le mandat consiste à promouvoir l’intégration économique.
Il a fait fermer les frontières avec le Sénégal, la Guinée Bissau et la Sierra Leone sans avoir informé formellement la Cedeao et sans avoir lancé un avertissement officiel aux trois États. Toutefois, Condé avait nommément accusé le Vice-président de la Sierra Leone, Mohamed Juldeh Jalloh, de recruter des « mercenaires » en faveur de l’opposant Cellou Dalein Diallo qui « continue de revendiquer 53% des suffrages en se fondant sur les données remontées par ses partisans envoyés dans les bureaux de vote pour ne pas s’en remettre à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et à la Cour constitutionnelle, accusées d’être inféodées au pouvoir, alors qu’Alpha Condé a été déclaré élu président pour un mandat de 6 ans avec 59,49% des voix, selon les résultats officiels du scrutin du 18 octobre 2020».
A propos, le président Condé a tenté de se justifier le 28 septembre 2020, en langue malinké, par visioconférence lors d’un meeting électoral de son parti, le Rpg Arc-en-ciel, à Dabola que : «Cellou, c’est la guerre qu’il veut. Le Vice-président de la Sierra Leone a profité de l’absence du président pour aider Cellou à recruter des mercenaires. C’est pourquoi nous avons fermé les frontières».
Dans ce dossier, Alpha Condé a agi comme bon lui semble, bloquant ainsi les entrées et sorties du territoire à trois Etats voisins de la Guinée : le Sénégal, la Guinée Bissau et la Sierra Leone le 27 septembre 2020.
Si les autorités léonaises ont fait des pieds et des mains pour obtenir la réouverture de leurs frontières 18 février 2021, celles des deux autres pays sont restées de marbre. Estimant qu’elles mesurent bien ce qui en résulte, mais qu’elles attendent de connaître les « motifs suffisamment détaillés » et les « raisons » évidentes de la décision qui a conduit les autorités de Conakry à les mettre devant le fait accompli.
Guerre de leadership politique
A l’analyse, il apparaît que le socialo-communiste Alpha Condé perçoit mal que ses homologues Umaro Sissoco Embalo de la Guinée Bissau, Macky Sall du Sénégal, et le Vice-président Léonais Mohamed Juldeh Jalloh, tous membres de Internationale libérale, soient bras-dessus et bras-dessous avec son adversaire Cellou Dalein Diallo qui par-dessus tout a rang et qualité de Vice-président de cette organisation mondiale. Et que lors des sommets des chefs d’Etat et de gouvernement où se consolide le leadership ouest-africain, tous agissent à l’unisson autour du Sénégalais Sall pour lui voler la vedette. Cette discrète lutte de leadership alimente les choix diplomatiques et politiques de la Guinée sous Alpha Condé dans plusieurs dossiers allant de la situation en Guinée Bissau en 2020, à l’après- Ellen Johnson Sirleaf en 2018 au Liberia, à l’avènement de Julius Maada Bio et de son Vice-président Jalloh, ou encore de l’opération anti-Ibrahim Boubacar Keïta d’août 2020.
En politique comme en diplomatie, être leader ne suffit pas, il faut s’entourer d’une équipe de spécialistes et de techniciens aguerris. Ce prérequis a fait perdre au pays sa position dominante. Conséquence, le socialo-communiste Condé a bel et bien été élu président de l’Union africaine (30 janvier 2017 – 28 janvier 2018) sans jamais réussir à déployer les ailes d’une diplomatie axée sur les résultats dans ses pays voisins.
Ce fourvoiement prévisible a mis le chef du régime guinéen sur la touche quand il a glissé sur la peau de banane du 3e mandat sans le soutien préalable des mieux-disants de l’Internationale socialiste ses principaux partenaires, comme l’a si bien réussi son homologue ivoirien Alassane Ouattara.
Ceci expliquant cela, Condé a fait rire les libéraux du monde entier quand il s’est fait exclure sans ménagement des grands rendez-vous des dirigeants de la planète économie comme le Sommet sur le financement des économies africaines organisé à Paris à l’initiative du président Emmanuel Macron le 18 mai 2021 où ont été applaudis, choyés et magnifiés des anciens rebelles, des violeurs de constitution et des présidents à vie.
Et maintenant avec cette crise économique aiguë exacerbée par la sanction qu’écopent 25 des principaux piliers de son régime de la part de l’Union européenne, le climat de confiance tant vanté lors des nombreux déplacements à l’étranger d’Alpha Condé devient moins propice aux investissements dans le pays à plus forte raison à la santé d’une économie nationale infestée de gestionnaires voraces et grands déprédateurs de deniers publics.
Improviser pour naviguer à vue
Face à la situation, il ne restait plus au régime Condé, que d’improviser un projet d’augmentation du prix du litre de carburant à la pompe dès ce mois de juin, comme l’ont sciemment claironné le gouvernement et ses services après-vente.
Néanmoins, une chose reste claire : l’annonce apporte de l’eau au moulin de l’opposition séquestrée, mais tenace. Cependant, augmenter le prix du carburant au forceps sans avoir jamais respecté le principe de flexibilité durant toute une décennie, et sans garantie que les principaux syndicats seront tous disposés à l’accepter, équivaudrait à se jeter pieds et poings liés dans une mare à si-je-savais. Surtout que de l’autre côté du tableau de la gouvernance actuelle, le clientélisme, l’impunité et la corruption généralisée occupent la première place, il y a à comprendre que cela est inquiétant et démontre aisément que le régime Condé ressemble à un navire désorienté qui va à vau-l’eau.
Toutefois, comme les observateurs s’accordent au fait que «la peur a changé de camp », que les consommateurs n’auront d’autres choix que d’exprimer leur colère dans la rue, et que toute manifestation de l’opposition sera réprimée, attendons de voir si dans ce beau pays de moins de 15 millions d’habitants que dirige un président patron de tout, mais capable de rien (avec sa meute de ministres et de conseillers) alors qu’il est le responsable de la main basse sur la bauxite, l’or et le diamant, il n’y aura de solution aux conséquences de la mal-gouvernance que l’augmentation du prix du litre du carburant à la pompe.
Par Diallo Alpha (Le Populaire)