J’ai entendu la présentatrice du journal télévisé de notre télévision nationale dire, le 24 novembre 2021, que le secteur minier guinéen se portait très bien. Elle était heureuse de présenter le nouveau port minéralier de Boffa. Les images montraient l’embarquement de la bauxite dans des navires affrétés à cet effet.
Dire que le secteur minier guinéen se porte bien est un leurre. C’est tout à fait le contraire. En ce qui concerne le secteur bauxitique : on exporte beaucoup, et on gagna peu. Il y a trop de choses à dire dans ce domaine.
Hélas ! En soixante ans d’indépendance et d’exploitation bauxitique, nous ne sommes pas encore parvenus à mettre en place une fonderie d’aluminium. Il y a une dizaine d’année, les Japonais étaient prêts à nous accompagner dans ce sens, mais rien n’en a été. Pourtant, les promoteurs de ce projet, vivent encore, et ils pourront se reconnaître.
Imaginez-vous le manque à gagner pour la Guinée. En continuant à exporter davantage notre bauxite, on s’appauvrit, et cela, pour les raisons suivantes :
La tonne de bauxite vendue est à environ 35 US $. La tonne d’alumine est en moyenne vendue à 500 US $. En 2021, la tonne d’aluminium a connu une flambé des prix, elle est à ce jour, à 3070 US $. Regardez la différence du manque à gagner, en termes de valeur ajoutée pour notre pays. On est content d’exporter, et d’exporter encore la bauxite ! Triste sort !
Le constat est amère, quand on se réfère au cas de Friguia ; quand elle était exploitée par Péchiney : l’alumine de FRIGUIA était transformée au Cameroun. Cela veut dire quoi ? En se rapportant à l’ordre de grandeur des valeurs ajoutées susmentionnées, ce que le Cameroun gagnait en revenus, en transformant notre alumine, la Guinée ne gagnait pas le quart.
Pour résumer ce chapitre, je dirais que tant que nous n’aurons pas nos usines de transformation en produits finis, on continuera à s’appauvrir. Evitons l’argent facile, investissons-nous pour l’avenir.
Le président Houphouët Boigny a longuement lutté contre les lobbies internationaux pour que la Côte d’Ivoire ait ses usines de transformation du café et du cacao. Il a finalement eu gain de cause.
Aussi, il y a une chose qu’il ne faut pas oublier, nous avons une obligation de constituer des réserves pour le futur. Une exploitation anarchique de nos matières premières hypothèque le bien-être des futures générations guinéennes.
En revenant sur le cas de Boffa, il y a plusieurs sociétés minières, en exploitation aujourd’hui. C’est malheureux de constater qu’il n’y a aucune retombée positive pour Boffa :
Pas d’infrastructure nouvelle en ville ;
Pas de construction de cités pour les travailleurs guinéens ;
Pas d’aide aux groupements locaux ;
Les chinois ont leurs bases vie, apparemment, ils sont très nombreux, au détriment des travailleurs guinéens. (Toutes nos conventions minières doivent comporter un plan de guinéanisation du personnel) ;
Côté nourriture, ils importent ou produisent tout ce qu’ils consomment, au lieu d’aider nos groupements paysans à produire pour eux.
Il aura fallu, l’avènement du CNRD, pour que les Chinois livrent à la ville de Boffa, un groupe électrogène de 500 Kva. Ce n’est pas sérieux !
De ce qui précède, il n’y a pas de quoi en être fier.
De grâce, dites-moi, quel type de conventions minières, avons-nous mis en place, avec ces sociétés chinoises ?
Prenons le cas de l’usine Friguia, qui est en location gérance pour 25 ans. Où en est-on en ce moment, je ne puis le dire ? Cependant, il y a une dizaine d’années, lorsque nous y avons fait une évaluation, il a été constaté que la Guinée perdait, plus de 300 millions US $/an, sur ce contrat. Hélas, faut-il renouveler ce contrat aujourd’hui ? Ce qui est sûr, la reprise sera difficile, puisque RUSAL a changé tout le process de production industrielle de l’alumine. Cela veut dire quoi ? Que la spécificité de l’alumine produite à Fria, fait que ce produit ne peut convenir qu’aux usines russes.
Qu’est devenue la ville de Fria aujourd’hui ? Cette ville qui était reluisante, il y a plus de quarante ans. Pourtant, on exporte plus d’alumine aujourd’hui, qu’à cette époque !
En conclusion, à priori, toutes nos conventions minières sont à revoir.
Il y a quelques années, un seul audit de Rio Tinto, nous a permis de comprendre que la Guinée avait perdu 750 millions US $, dans ce contrat. Et, ils ont payé.
On a peur de remettre les compteurs à zéro, pourtant, c’est nécessaire. Avant, on se plaignait de manquer d’électricité. Aujourd’hui, on en a. La Guinée ne sait que faire de l’énergie qui sera produite par le barrage Souapiti, qui sera bientôt en service.
Nous ne pouvons pas toujours compter sur les autres. Ceux-là mettent leurs intérêts avant les nôtres. Les capitaux, on peut les mobiliser sur les marchés financiers internationaux. Les investisseurs n’ont besoin que d’une chose, c’est la sécurisation de leurs investissements. Une condition, qui est aussi dépendante de deux autres, notamment : la stabilité politique, et l’existence d’un système judiciaire reposant sur une justice indépendante, équitable, et performante.
Dr Paul FABER
EX-Conseiller à la Primature, et Ex-membre du Comité de négociation des mégaprojets miniers