Le jeudi 20 Juillet 2023, lors du Conseil des Ministres, la décision de l’évaluation des programmes/projets piloté par les membres du Gouvernement de Dr Bernard GOUMOU fut adoptée.
Cette mission d’évaluation qui s’entendra sur une semaine (du lundi 24Juillet au lundi 31 Juillet 2023) portera sur les résultats des contrats de performance signés entre le 1er Ministre et les Ministres des départements sectoriels.
En termes pratique, la séance d’évaluation durera 50mn (20mn présentation et 30mn de questions réponses) en présence d’une équipe d’évaluation composée des experts de la Primature, de la Présidence et des acteurs de la société civile.
Les résultats de cette évaluation des programmes gouvernementaux seront transmis au Président de la transition pour décision.
Cette décision des autorités de la transition est diversement appréciée dans l’opinion.
En effet, certains acteurs (politiques et de la société civile) s’interrogent sur le bien-fondé de cette mesure de politique publique en précisant que :
- Les 1ères évaluations réalisées n’ont pas fait l’objet de suivi et d’application ;
- Cette évaluation ne vaut pas la peine car les citoyens savent ceux qui n’ont pas travaillé ;
- Cette évaluation va donner une mauvaise publicité à la transition donc on en n’a pas besoin ;
- C’est une sorte de théâtralisation et laisser de côté ce qu’on doit faire ;
- A la place de cette évaluation il faut plutôt privilégier le dialogue politique ;
- Les 1ères n’ont pas produit de résultats probants, aucun impact sur les acteurs et les procédures.
Pour ceux qui mesurent la justesse de cette décision, cette démarche permet de faire bouger les lignes, améliorer la Gouvernance des départements ministériels et situer les responsabilités de gestion.
Pourquoi évaluer les politiques publiques dans notre pays ?
Quels sont les types d’évaluation d’une politique publique à privilégier en tenant compte du contexte économique et social ?
La révision permanente des programmes Gouvernementaux n’est-elle pas une nécessité pour un Gouvernement comme le nôtre ?
Ce pays peut se donner le luxe de se passer de l’évaluation des programmes et politiques publiques avec des ressources internes faibles et plus de 60% de financement extérieur pour les dépenses d’investissement et prétendre atteindre l’émergence économique ?
Procéder à une évaluation rigoureuse de centaines de programmes engagés peut-elle favoriser une gestion plus vertueuse et donner la priorité aux programmes pro-pauvres (qui sont les plus dignes d’intérêt dans notre pays) ?
Doit -on réviser cette approche d’évaluation qui fait l’objet de débat dans l’opinion pour la rendre plus performante ?
Faut-il envisager l’approche participative dans l’évaluation des politiques publiques dans notre pays ?
L’approche d’une évaluation indépendante n’est-elle pas également une autre voie sûre à explorer ?
La gestion axée sur les résultats et l’obligation de la reddition des comptes n’imposent elles pas la nécessité d’une évaluation plus approfondie de nos programmes/projets ?
L’évaluation approfondie d’une part importante des programmes publics par des expertises indépendantes peut-être une alternative pour plus d’efficacité et d’efficience ?
Dans la loi organique relative aux lois de finances (article 23LO Guinée) « un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions représentatif d’une politique publique définie dans une perspective de moyen terme. Un programme peut regrouper, tout ou partie des crédits d’une direction, d’un service, d’un ensemble de directions ou de services d’un même ministère ».
Ainsi, l’analyse des données factuelles sur les politiques publiques permet d’affirmer qu’une évaluation des programmes Gouvernementaux menée efficacement peut permettre de :
- Mesurer la performance de notre pays en Gestion économique ;
- Améliorer la mise en œuvre des politiques structurelles ;
- Améliorer les politiques d’inclusion sociale et
- Mesurer la qualité et l’efficience de gestion des institutions du secteur public de ce pays.
Dans la littérature administrative, l’évaluation des politiques publiques peut obéir à plusieurs motifs : il y a d’abord les raisons qui tiennent à la nature de l’instrument utilisé la loi ; il y a aussi des causes qui tiennent à la nécessité du contrôle de l’activité étatique ; un moyen de légitimation des acteurs politiques(si l’efficacité et l’efficience des politiques menées sont avérées) ; mais aussi des motifs qui poussent à assurer une plus grande transparence des processus décisionnels.
La recherche de l’efficacité, de l’efficience et de l’impact des programmes/projets réalisés par les autorités Ministérielles sont des mesures de politique à saluer même si des améliorations peuvent être apportées au schéma actuel d’évaluation des programmes dans notre pays.
Les effets d’une politique publique dans le cadre d’une gestion axée sur les résultats doivent nécessairement faire l’objet d’évaluation pour une gestion plus vertueuse de la chose publique.
Donc, cette décision de politique publique prise par les autorités de la transition est à saluer et souhaiter sa pérennisation et son amélioration à la lumière du processus politique qui fait de l’évaluation des politiques publiques une étape clé de la gestion de la chose publique pour plus d’efficacité et d’efficience.
Tableau : Processus politique
En effet, toute politique publique peut recouper plusieurs types de finalités qui peuvent valablement justifier son évaluation dont entre autres :
- Des finalités économiques (croissance, émergence économique, déficit budgétaire, soutenabilité de la dette, qualité de la dépense publique, la transparence…) ;
- Des finalités sociales (exemple logements sociaux, dépenses d’éducation ; les transferts monétaires, dépenses de santé, les cantines scolaires, personnes vulnérables, la pauvreté, le chômage des jeunes et des femmes, la cherté de la vie, la sécurité, les inégalités sociales …) et
- Des finalités politiques (dialogue politique, financement des partis politiques, élections générales, le type système politique…).
La décision d’évaluation des politiques publiques, donc des programmes/projets se justifie parfaitement dans le contexte budgétaire actuel.
Par conséquent, une révision continuelle des programmes gouvernementaux au cours et après cette transition s’impose non pas seulement pour éliminer ou réduire le déficit budgétaire et rendre la croissance des dépenses publiques conforme à la croissance économique, mais également, et surtout parce que la responsabilité fondamentale incombe aujourd’hui aux autorités de la transition et au Gouvernement d’offrir aux populations de notre pays qui vivent majoritairement en dessous du seuil de pauvreté, des services publics de qualité au plus bas coûts possibles.
Il faut nécessairement éviter le gaspillage de l’argent des contribuables guinéens quelle que soit la situation budgétaire du Gouvernement aux vues des défis importants à relever en matière économique, social et politique dans notre pays.
Pour atteindre cet objectif de politique publique, une évaluation rigoureuse des principaux programmes/projets gouvernementaux peut largement y contribuer.
Comme alternatives à l’approche actuelle en cours dans notre pays, le processus d’évaluation des politiques publiques et programmes gouvernementaux peut être revu en vue de ne conserver que ou de ne créer que des programmes de grande qualité répondant à des hauts standards d’efficacité et d’efficience.
A cet égard, il apparaît particulièrement judicieux que les travaux des experts aient, entre autres objectifs, de s’assurer que les programmes soient soumis à un processus d’évaluation continu plutôt que de se limiter à des évaluations ponctuelles. Il ne suffit pas à notre avis, d’examiner ou d’évaluer périodiquement le portefeuille de programmes existants. L’approche doit être plus dynamique afin d’assurer le maintien d’un portefeuille de programmes de grande qualité dans ce pays qui accuse un retard de développement considérable malgré le potentiel.
Pour cela, l’évaluation participative dans un contexte de Gouvernement qui est adepte de la transparence prônée par les autorités de la transition peut être envisagée.
L’évaluation des politiques publiques ministérielles à travers les membres du Gouvernement est essentielle à la conception et à la révision des de programmes de qualité, c’est-à-dire pertinents (la bonne cible) et efficient (cible atteint au moindre coût). L’importance de l’évaluation des politiques publique dans le système de gouvernance vient d’être reconnue par les autorités de la transition et le Gouvernement, lequel a confié à un groupe d’experts l’évaluation ponctuelle des programmes exécutés par l’ensemble des membres du Gouvernement. Une avancée dans la recherche de la transparence et la bonne Gouvernance dans notre pays.
Cependant, pour rendre encore plus performante cette fonction évaluative, nous souhaitons vivement la mise en place d’une évaluation en continu desdits programmes.
L’application de cette fonction au sein du Gouvernement requiert toutefois un grand nombre de ressources spécialisées. Plusieurs ministères, agences et directions ne disposent pas suffisamment de ces ressources et la reddition des comptes accapare déjà largement celles-ci.
Dans un pays comme le nôtre, pour pallier cette carence actuelle et prévisible en ressources spécialisées, un dispositif pourrait être mise en place pour profiter des compétences externes en évaluation de programmes/projets.
Dans sa phase pilote, les ministères sectoriels : de la santé ; agriculture ; travaux publics ; éducation ; énergie ; aménagement du territoire ; administration du territoire et de la décentralisation, de la jeunesse et emplois jeunes ainsi que les programmes sociaux peuvent être privilégiés.
En vertu de ce dispositif, tous les projets de programmes ou de politiques publiques d’une certaine envergure seraient soumis à une consultation axée sur l’évaluation de leurs impacts potentiels. Ces impacts seraient identifiés dans un avis accompagnant ledit projet de programme. A titre d’exemple, le projet d’installation des compteurs prépayés identifierait les impacts potentiels sur le coût imposé à certains parents, le nombre de compteurs à installer, le bien-être et le développement des familles vulnérables et le taux de la baisse ou de la hausse du revenu des familles à faible revenu. Ce même exemple peut être simulé avec la décision du programme d’immatriculation des véhicules et des permis de conduire.
Autre exemple, sur plus de trois centaines de programmes/projets, la mise en place des applications du type Donnez votre avis pourraient être expérimentées pour au moins la moitié de programmes de grande envergure. L’on y retrouverait la documentation pertinente dont certaines études déjà réalisées sur le sujet, les résultats des évaluations d’impacts réalisées même à l’étranger, etc. les experts, les acteurs de la société civile, les médias ainsi que les personnes qui subissent les répercussions et la population en général auraient, par exemple, 20 à 30 jours pour faire part de leurs commentaires et propositions, toujours axés sur l’évaluation des impacts potentiels du projet de programme qui est soumis à l’examen.
Ce type de consultation serait requis pour rendre l’exercice conclusif, à amener le Gouvernement à conclure que le projet à l’examen comporte un avantage ou un désavantage net, qu’il s’agit autrement dit d’un bon ou d’un mauvais projet du point de vue de l’ensemble des participants à la consultation.
Il faut préciser qu’un tel dispositif visant à bâtir une culture et une capacité évaluatrice à plus large échelle s’inscrirait bien dans l’orientation d’un Gouvernement ouvert déterminé à imposer la transparence et la reddition des comptes où la gestion axée sur les résultats est considérée comme système de gestion. Les ministères, les agences et les directions rendraient ainsi facilement accessibles les données dont ils disposent au regard du projet soumis à l’examen et interagiraient avec les participants aux consultations.
Les experts Gouvernementaux en évaluation de programme profiteraient des résultats de la consultation, ciblée sur l’évaluation des impacts, pour collaborer avec leurs collègues en conception de programmes à la bonification des projets initiaux. Les modifications aux projets ne seraient plus vues comme des reculs du Gouvernement, mais plutôt comme faisant désormais partie intégrante du processus évaluation-élaboration de programmes.
On peut affirmer sans risque que nous sommes déjà dans cette voie de l’évaluation participative. En effet, les projets de règlement sont ainsi soumis à la consultation pour une période préétablie et les commissions parlementaires permettent l’expression de nombreux commentaires et suggestions. Mais la couverture des programmes est toutefois incomplète et les différentes consultations sont insuffisamment encadrées.
Le problème se pose encore avec plus d’acuité dans le cas de certains programmes préparés à la va-vite, à la suite d’une crise (crise ukrainienne et plus du doublement du budget de l’agriculture et de l’élevage par exemple), d’une urgence sociale (crise de logement, loyers chers et impact sur les revenus des plus pauvres, les programmes emplois jeunes avec peu de visibilité à impact discutable) ou d’une promesse politique ou autre qui sont parfois annoncées. Il en résulte que l’évaluation des impacts se fait bien souvent dans les journaux (par exemple les commentaires sur la construction du barrage de Koukoutamba et sur l’évaluation à mi-parcours des départements ministériels en cours tout récemment dans les médias de référence à forte audience de notre pays), dans les institutions de recherche et les services spécialisés (certes peu présents dans le débat public).
L’approche de l’évaluation participative proposée viendrait formaliser davantage la consultation sur les projets de programmes, ceci en la ciblant sur l’ensemble des programmes (acception large des programmes) d’une certaine envergure et en l’axant clairement sur l’évaluation des impacts.
Elle pallierait la carence actuelle en ressource spécialisées en évaluation de programme au sein du Gouvernement et, surtout, favoriserait la conception de programmes de meilleure qualité (pertinents et efficients) par le biais de leur évaluation continue.
Il est souhaité et recommandé que les agences et directions soient évaluées approximativement tous les trois mois. Dans la pratique, la façon de réaliser ces évaluations varie beaucoup selon les ministères en fonction du type de programme. Il est de l’obligation de l’Etat d’étudier et d’évaluer l’efficacité, l’efficience et les résultats des programmes/projets.
Le système d’évaluation des programmes publics doit pouvoir fournir des évaluations indépendantes (expertise spécialisée des cabinets privés réputés) à posteriori au moins pour la moitié de l’ensemble des programmes financés. Ces évaluations seront réalisées par un groupe d’experts extérieurs au secteur public, habilités à solliciter des informations auprès de l’organisme d’exécution et à commander des études spécifiques pour confirmer leurs évaluations. Ces évaluations qui seront réalisées pendant une période précise, suivront la méthodologie générale logique destinée à déterminer la cohérence du programme et sa capacité à atteindre ses objectifs. Les conclusions et recommandations seront ensuite soumises aux plus hautes autorités (Présidence, Primature dans le contexte actuel) pour qu’elles en tiennent compte dans le processus de prise de décision.
L’objectif de ces évaluations approfondies est de permettre une évaluation intégrée des résultats des programmes à savoir :
- Les avantages à court, moyen et long terme des programmes ;
- De l’efficience et de l’économie dans l’utilisation des ressources et
- Des aspects liés à la gestion des procédures internes.
Déterminer si les moyens juridiques, administratifs et financiers mis en œuvre permettent de produire les effets attendus des politiques et programmes publics et d’atteindre les objectifs qui leurs sont fixés sont des mesures essentielles dans l’application de la gestion axée sur les résultats.
L’évaluation à mi-parcours des ministres du Gouvernement est une mesure de politique publique qu’il faut saluer. Cependant, il faut souhaiter qu’elle soit accompagnée dans le cadre d’un système d’évaluation inclusif par l’intégration de l’approche participative largement appliquée dans les pays dont la qualité de gouvernance est considérée comme des références (Suisse, Canada, pays nordique d’Europe et des Etats nord-américain) et l’évaluation indépendante des programmes et politiques publiques par une expertise indépendante en vue :
- De mieux formuler et suivre les politiques budgétaires des départements sectoriels, les agences et les directions ;
- Donner une base pour une gestion performante (plus d’efficacité, d’économie, de qualité et d’efficience) ;
- Améliorer la transparence dans la gestion dans un contexte de rareté de ressources ;
- Assurer la redevabilité (rendre compte et rendre des comptes) à l’égard de tous les gestionnaires de la chose publique ;
- Emanciper les gestionnaires des contrôles formalistes pour développer un contrôle sur la prévention des risques et la performance de l’action publique et
- Internaliser les contraintes de performance et de bonne gestion au niveau des gestionnaires.
Avec un taux de pression fiscale de 11,64% du PIB et plus de 50% des projets/programmes d’investissement financés par les ressources extérieures, notre pays ne peut pas se permettre le luxe de refuser l’appréciation systématique et objective des programmes, des projets ou des politiques publiques, en cours ou terminés, de leur conception, de leur mise en œuvre et des résultats du fait de notre retard de développement et de notre incapacité à financer notre développement due à l’insuffisance des ressources internes, le niveau faible de notre capacité d’absorption des ressources internes et externes et la qualité de certains programmes et projets qui sont discutables en termes d’impacts et d’utilisation de ressources.
L’évaluation des programmes/projets contribuera à qualifier la gestion des programmes/projets ; assainir le portefeuille des programmes pour plus d’économies ; plus d’impacts réels et plus de viabilité de ces programmes en faveur des populations.
L’évaluation de la moitié de plus des trois (3) centaines de programmes et projets par des structures indépendantes peut être envisager pour rationnaliser et qualifier la gestion des programmes et projets dans notre pays pour la phase pilote.
L’implication de l’ensemble des parties prenantes (y compris les bénéficiaires des projets/programmes) pour concevoir et conduire une évaluation et tirer les conclusions serait un moyen efficace d’améliorer le contenu des programmes et de réaliser d’importantes économies.
Si les évaluations encours respectent les critères d’efficacité, de relevance, d’efficience, d’impact et de durabilité pour plus de crédibilité de la mission, il serait vivement souhaitable que les thèmes transversaux comme la pauvreté, le chômage, les injustices sociales soient prises en comptes et mieux évalués dans le cas spécifique de notre pays.
L’apport de l’expertise indépendante est d’autant nécessaire qu’elle permettra d’approfondir les évaluations et renforcer la crédibilité et le choix des programmes qui répondent aux exigences de qualité et d’efficience avec plus d’accent sur la réduction de la pauvreté, le chômage et les inégalités sociales.
Nous espérons vivement, que l’évaluation des programmes et politiques publiques,vont contribuer de façon significative, à améliorer la gestion et la qualité des programmes/projets publics pour plus d’économie de ressources au profit de la majorité des guinéens, car, tout Gouvernement responsable est astreint à l’obligation de résultat et à la reddition des comptes qui fait du processus d’évaluation une étape clé d’amélioration de la gestion publique dans un contexte de rareté des ressources et de l’accroissement des problèmes sociaux largement exprimés par les populations de ce pays et ce pendant plusieurs décennies.
Conakry, le 28/Juillet/2023
Mamady CONDE/Economiste/Administrateur du Cabinet NASA consulting
condemamady2007@gmail.com/228106305/622599217