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Réformer l’irréformable, le défi d’Alpha Bacar Barry, ministre de Mamadi Doumbouya 

Fap gaz

En Guinée, nommé ministre de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle par Mamadi Doumbouya, cet ancien entrepreneur passé par les Nations unies s’échine à faire progresser un secteur jusque-là délaissé. Et connaît, contre toute attente, quelques succès.  

C’est Dansa Kourouma qui, le premier, lui a demandé son CV. Nous sommes en octobre 2021 et Alpha Bacar Barry se trouve à Montpellier, où il participe au sommet Afrique-France, lorsqu’il reçoit l’appel du conseiller du président de la transition. De retour à Conakry, il est reçu par Mamadi Doumbouya au palais Mohammed V, en présence du Premier ministre d’alors, Mohamed Béavogui. « Il faut réformer l’enseignement technique », lui enjoint le chef du gouvernement. Son décret de nomination est publié le soir-même. Alpha Bacar Barry fait son entrée au gouvernement.

De la microfinance à l’Enseignement

L’idée lui avait déjà traversé l’esprit. Depuis dix ans, cet entrepreneur bien connu dans les milieux de la microfinance et dans le système des Nations unies s’imagine compléter sa carrière avec un poste ministériel. Mais il se voit davantage ministre de l’Industrie. « Mon expérience est beaucoup liée aux questions de relèvement de l’économie, de gestion des parcs industriels, de création des PME et de financement de l’entrepreneuriat, à travers l’Onudi [Organisation des Nations unies pour le développement industriel] », explique-t-il tandis que nous le rencontrons dans son bureau de Conakry.

Avant sa nomination, il dirigeait Jatropha group, un consortium d’entreprises spécialisées dans la microfinance, la technologie et l’agrobusiness. « J’ai dû tout apprendre, rapidement, reprend-il. La meilleure façon était d’aller sur le terrain, d’échanger avec les acteurs du secteur et de constater l’état de délabrement des établissements professionnels . Il faut préparer le véhicule avant de commencer la course. »

Augmentation de la capacité d’accueil

En deux ans, la capacité d’accueil dans l’enseignement technique s’est étoffée de 2­ 000 nouvelles places, grâce à l’inauguration de nouveaux établissements comme les Écoles régionales des arts et métiers (Eram) de Coyah et Dabola, et la rénovation des Centres de formation professionnelle (CFP). Cela n’a pas, malgré tout, permis d’absorber les 120 000 candidats qui se sont présentés lors de la dernière rentrée, en effet seules 26 000 places étant disponibles.

Avant, explique-t-il encore, les jeunes s’orientaient dans l’enseignement technique lorsqu’ils échouaient à intégrer l’université. « Nous sommes devenus plus sélectifs. Désormais, il faut forcément avoir le bac pour intégrer les Eram. Nous avons aussi durci les critères d’admission pour les écoles de santé et pour l’École nationale de secrétariat, d’administration et de commerce… Nous avons chaque année 6 000 diplômés d’université qui viennent s’inscrire pour un autre diplôme qui donne plus facilement accès à l’emploi », se réjouit Alpha Bacar Barry.

Mamadi Doumbouya a beau affirmer qu’il tient à réformer le secteur, et si les écoles professionnelles attirent désormais du monde, cela tarde à se refléter dans le budget de l’État. Près de 15 % sont consacrés au secteur éducatif dans son ensemble, y compris à l’Enseignement supérieur et à l’Éducation nationale.

« Notre objectif est de passer à au moins 700 milliards de francs guinéens dans la loi de finances rectificative [actuellement, 400 milliards sont consacrés à l’Enseignement technique]. Mais c’est un processus assez complexe et long », explique le ministre. « Nous avons eu 25 millions de dollars cette année pour construire deux nouvelles Eram à Kindia et Mamou, financées par la Banque islamique de développement ; 26 millions d’euros de l’Union européenne pour qualifier l’enseignement technique et créer de l’emploi. Et nous sommes en train de finaliser un prêt avec les Anglais via le UK Export Finance, pour un montant de 120 millions de dollars pour la construction de dix lycées techniques. »

« Économie d’échelle »

Avant de tendre la main aux pays étrangers, Alpha Bacar Barry avait obtenu de Mamadi Doumbouya l’injection des revenus (9 milliards de francs guinéens) de la revente des véhicules de fonction des anciens dignitaires du régime déchu dans la reconstruction et l’équipement du CFP de Donka, en proche banlieue de Conakry. Rebaptisée du nom du célèbre écrivain guinéen Camara Laye, l’école a été rénovée par les élèves, encadrés de chefs d’atelier et d’ingénieurs professionnels. Ce qui a permis de réaliser une « énorme économie d’échelle, en recourant à l’approche innovante de chantier-école qui consiste à mettre les élèves et le secteur privé à contribution ».

L’établissement, qui ne comptait même pas un ordinateur , est désormais doté « d’équipements de réalité virtuelle et augmentée », se réjouit Alpha Bacar Barry. Un apprenant en soudure n’a plus besoin de passer par l’atelier pour comprendre le métier et ses outils : « Il lui suffit de mettre un masque et d’utiliser des logiciels conçus en France. »
L’approche, novatrice, a séduit au-delà des frontières de la Guinée. Le ministre a reçu la visite de ses homologues centrafricain et malien. Et deux ans après sa nomination, Alpha Bacar Barry demeure convaincu que l’impossible – réformer un secteur sous-financé et délaissé depuis des décennies – est désormais à portée de main.
Jeuneafrique

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