Les marchés publics africains: opportunités de croissance ou cause de faillite des entreprises locales ? Par Bachir Diallo
Considérés comme l’une des sources de revenus la plus importante en raison de la consommation élevée des agents Étatiques (Ministères, Entreprises publiques à caractère administratif, institutions républicaines …), beaucoup d’entreprises locales africaines remuent ciel et terre pour bénéficier des marchés publics afin de faire croître leurs activités parfois même au prix des dessous de tables qui deviennent des charges définitives au cas où elles ne bénéficieraient pas du marché proprement dit.
Cependant, le processus des marchés publics ne se limitant pas uniquement à l’octroi du marché pour espérer rentrer en possession de sa contrepartie pécuniaire, il est nécessaire de voire quels impacts les marchés publics ont sur les entreprises locales lorsqu’ils se déroulent comme prévu ou non.
En effet, bien que convoités par beaucoup d’entreprises, les marchés publics représentent parfois une réelle menace pour la pérennité de certaines entreprises non assises financièrement à cause de plusieurs raisons que nous pouvons énumérer :
1- 𝙇𝙚 𝙧𝙚𝙩𝙖𝙧𝙙𝙨 𝙙𝙚 𝙥𝙖𝙞𝙚𝙢𝙚𝙣𝙩 𝙙𝙚𝙨 𝙖𝙜𝙚𝙣𝙩𝙨 𝙚𝙩𝙖𝙩𝙞𝙦𝙪𝙚𝙨 𝙘𝙖𝙪𝙨𝙚𝙨 𝙥𝙖𝙧 𝙡’𝙚𝙥𝙪𝙞𝙨𝙚𝙢𝙚𝙣𝙩 𝙙𝙪 𝘽𝙪𝙙𝙜𝙚𝙩 𝙖𝙡𝙡𝙤𝙪é
Remporter un marché public est bien pour une entreprise mais c’est si elle peut rentrer en possession de son argent dès qu’elle aura exécuter ce dernier. De surcroît, il arrive souvent que certains agents étatiques n’honorent pas leurs engagements en raison de certaines contraintes. C’est le cas par exemple si le budget alloué aux agents étatiques a été totalement bouclé et qu’ils continuent toujours de faire des commandes publiques.
Il est souvent visible dans certaines représentations étatiques le retard des paiements des entreprises voire le report de ces derniers pour un exercice budgétaire ultérieure à cause de l’épuisement de la ligne des dépenses qui leurs a été allouée.
Cette situation peut causer un impact très négatif aux entreprises qui n’ont pas une solidité financière en termes de trésorerie surtout si elles ne comptaient que sur cet argent investi dans l’exécution du marché pour tourner leurs activités.
En fonction du délai de retard de remboursement, le manque de trésorerie dans l’entreprise peut empêcher cette dernière d’honorer ses engagements envers ses fournisseurs, ses salariés, l’État et autres partenaires, ce qui peut directement frustrer ces derniers et mettre l’entreprise dans des situations contentieuses et finalement l’envoyer en faillite.
2- 𝑳𝒆𝒔 𝒓𝒆𝒕𝒂𝒓𝒅𝒔 𝒅𝒆 𝒑𝒂𝒊𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒅𝒖𝒔 𝒂𝒖𝒙 𝒄𝒉𝒂𝒏𝒈𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕𝒔 𝒂𝒏𝒕𝒊-𝒄𝒐𝒏𝒔𝒕𝒊𝒕𝒖𝒕𝒊𝒐𝒏𝒏𝒆𝒍𝒔 𝒅𝒆𝒔 𝒓𝒆𝒈𝒊𝒎𝒆𝒔
On a toujours l’habitude de dire que l’Etat est une continuité. Cependant, il arrive parfois que cette parfaite continuité soit ralentie par des évènements inattendus. C’est le cas des coups d’Etat militaires.
S’il arrive qu’une entreprise ait exécuté un marché public et attend son règlement et qu’entre temps un coup d’état militaire survienne, elle peut prendre son mal en patience étant donné que l’une des premières actions entreprises par les nouvelles autorités militaires est souvent le gel des comptes bancaires des agents étatiques. En attendant que ces comptes ne soient dégelés, les entreprises ayant des créances envers les organismes étatiques seront forcément impactés dans leurs trésoreries en ce sens que le processus de dégèle prend souvent énormément de temps.
Si ces entreprises comptaient uniquement sur cet argent pour leurs activités, elles risquent de fermer leurs portes à cause des difficultés financières en attendant de rentrer en possession de leurs règlements.
Ainsi, même lorsqu’elles rentreront en possession de leurs règlements après une longue période, elles auront du mal à compenser les pertes subies suite à l’inflation occasionnée par le ralentissement des activités dû à l’arrivée du nouveau régime. Cette perte devient encore plus importante si ces entreprises ont des fournisseurs étrangers car elles seront confrontées aux variations du taux de change qui lorsqu’elles seront à la hausse, vont faire dépenser l’entreprise plus qu’elle ne devrait pour le remboursement de leurs fournisseurs étrangers dont l’achat a été effectué en devise étrangère.
3️- 𝑳𝒆𝒔 𝒓𝒆𝒕𝒂𝒓𝒅𝒔 𝒅𝒆 𝒑𝒂𝒊𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒅𝒖𝒔 𝒂𝒖𝒙 𝒇𝒂𝒄𝒕𝒆𝒖𝒓𝒔 𝒆𝒙𝒕𝒆𝒓𝒊𝒆𝒖𝒓𝒔 𝒏𝒐𝒏 𝒎𝒆𝒕𝒓𝒊𝒔𝒂𝒃𝒍𝒆𝒔 𝒑𝒂𝒓 𝒍𝒆𝒔 𝒂𝒈𝒆𝒏𝒕𝒔 𝒆𝒕𝒂𝒕𝒊𝒒𝒖𝒆𝒔
Il arrive que certaines situations non souhaitables surviennent et qui peuvent affectés le fonctionnement des agents étatiques et les empêcher d’honorer leurs engagements envers les entreprises locales.
C’est le cas par exemple des pandémies, des épidémies, des guerres, des catastrophes naturelles.
Ces situations mettent souvent les agents étatiques en difficulté voire en insolvabilité et les empêchent de régler leurs dettes intérieures.
Les exemples les plus concrets sont le 𝒊𝒏𝒄𝒆𝒏𝒅𝒊𝒆 𝒅𝒖 𝒑𝒓𝒊𝒏𝒄𝒊𝒑𝒂𝒍 𝒅𝒆𝒑𝒐𝒕 𝒅’𝒉𝒚𝒅𝒓𝒐𝒄𝒂𝒓𝒃𝒖𝒓𝒆 𝒅𝒆 𝒍𝒂 𝑮𝒖𝒊𝒏𝒆𝒆 et la pandémie du 𝘾𝙊𝙍𝙊𝙉𝘼 𝙑𝙄𝙍𝙐𝙎.
La spécificité de cette situation est son caractère « non métrisable », ce qui la rend plus facile à expliquer aux partenaires créanciers par l’entreprise.
A cause de ces situations ci-dessus, beaucoup d’entreprises locales africaines ont peur des marchés publics vu leurs tailles souvent petites. Ainsi, il existe des solutions qui permettent aux entreprises locales de soumissionner aux marchés publics malgré leurs tailles et leurs fragilités en matière de trésorerie. C’est souvent la constitution des partenariats à travers la « 𝒃𝒐𝒖𝒓𝒔𝒆 𝒅𝒆𝒔 𝒔𝒐𝒖𝒔-𝒕𝒓𝒂𝒊𝒕𝒂𝒏𝒄𝒆𝒔 𝒆𝒕 𝒅𝒆𝒔 𝒑𝒂𝒓𝒕𝒆𝒏𝒂𝒓𝒊𝒂𝒕𝒔 » et le recours à l’𝒂𝒔𝒔𝒖𝒓𝒂𝒏𝒄𝒆. Il est à noter que cette dernière solution (l’assurance) est moins utilisée par les entreprises africaines à cause du manque de sérieux de certains assureurs et la culture d’assurance peu développer.
En somme, malgré toutes ces difficultés rencontrées par les entreprises, il est à reconnaître que les marchés publics peuvent également être 𝒖𝒏 𝒄𝒂𝒕𝒂𝒍𝒚𝒔𝒆𝒖𝒓 𝒎𝒂𝒋𝒆𝒖𝒓 de la croissance des entreprises locales africaines. Mais pour que cela arrive, il faut qu’un 𝙗𝙤𝙣 𝙘𝙡𝙞𝙢𝙖𝙩 𝙙’𝙖𝙛𝙛𝙖𝙞𝙧𝙚𝙨 soit mis en place par les autorités et éventuellement créer un 𝒇𝒐𝒏𝒅𝒔 𝒅𝒆 𝒈𝒂𝒓𝒂𝒏𝒕𝒊𝒆 pour indemniser les entreprises en cas de retard de paiements ou d’éventuelles insolvabilités des agents étatiques.
Bachir Diallo
Économiste