Alternance politique au Bénin, gestion de Patrice Talon, coups d’Etat en Afrique : Le député Hé Ouassagari Kamel se confie…
Honorable Ouassagari Kamel député Béninois élu sous la bannière du parti « Les Démocrates », dirigé par l’ancien président Yayi Boni, a récemment séjourné en Guinée dans le cadre d’une mission parlementaire. Egalement député du parlement de la Cédéao, il a mis son séjour à profit pour accorder une interview à votre quotidien ligne Convergencegn.com.
Dans cette interview, il a été question de l’actualité sociopolitique de son pays, la gestion du président Patrice Talon, la présidentielle de 2026, les coups d’Etat en Afrique et bien d’autres sujets.
Convergencegn.com : Bonjour Honorable Ouassagari Kamel, parlez-nous de la situation sociopolitique du Bénin actuellement dirigé par le président Patrice Talon ? Comment évaluez-vous l’état de la démocratie dans le pays sur fond de chômage et la situation des droits de l’homme dégradante ?
Ouassagari Kamel : Je vous remercie pour cette initiative. Avant de répondre à votre question, je tiens à faire un peu l’historique de la situation politique du Benin. En 1990, le Bénin a été le premier pays a initié la conférence nationale. Au lendemain de la conférence nationale, on n’a eu un premier régime démocratique qui a connu assez d’alternance. La première alternance a eu lieu entre le Président Mathieu Kérékou et le Président Nicéphore Soglo, suivi en 1996 entre Nicéphore Soglo et le Président Kérékou qui a fait 10 ans, et après ses deux (2) mandats, il a cédé le pouvoir en 2006 au président Yayi Boni puis en 2016 est arrivé le Président Patrice Talon. Qui lors de la cérémonie d’investiture a dit à la face du monde qu’il fera un mandat unique une urgence morale. En 2017, lorsqu’il avait tenté la première révision de la consitution¸à la veuille disait que même si cette révision ne marchait pas, qu’il fera un seul mandat pour prouver que en 5 ans on peut faire le job. En 2017 à nos jours, cela fait plus de 5 ans, non seulement il n’a pas respecté sa parole lors de sa prise de fonction en 2016, mais il a forcé et aujourd’hui, il est à son deuxième et dernier mandat constitutionnel.
Le président Patrice Talon en 2016, disait qu’un président de la république n’avait pas besoin d’un bilan pour se faire réélire. Il suffit d’obtenir les grands électeurs, si en face de soi ; on n’a pas un compétiteur on gagne facilement les élections. C’est cette stratégie qu’il a utilisé en 2021, pour écarter, exclure ceux qui pourront le battre dans les urnes.
Je veux parler de l’ancienne Ministre de la justice de Yayi Boni, Madame Reckya Madougou, qui aujourd’hui est en prison pour avoir osé dire qu’elle candidate aux élections pour affronter le président Patrice Talon en 2021. Elle a été arrêté et condamné à vingt ans de prison pour terrorisme devant un tribunal spécial à Porto-Novo.
Je rappelle qu’en 2019, avant les élections présidentielles, le président Talon avec une coalition de son avocat qui était devenu le premier ministre de la justice à l’arrivée du président Talon en 2016 et ensuite président de la Cour constitutionnelle ; avait demandé au ministre de l’administration du territoire que désormais les candidats à l’élection présidentielle devraient présenter un certificat de conformité. Cette pièce était fondamentale pour entre candidat aux élections. Et comme il fallait s’y attendre, aucun parti d’opposition n’a pu obtenir cette pièce pour aller aux élections. Seuls les partis qui soutiennent la mouvance ont pu avoir cette pièce de conformité pour aller aux élections. Ce qui a conduit pour la première fois dans l’histoire du Bénin d’avoir un parlement monocolore, constitué à 100% des soutiens du président Talon.
Dans la foulée, il y a eu un dialogue national avec les amis politiques du président Patrice Talon. C’est dans ce contexte qu’il y a eu une révision constitutionnelle avec pour nouveauté, l’introduction du système de parrainage. Donc, tout est mis en œuvre pour exclure l’opposition et mettre à rude épreuve l’alternance politique au bénin par le président Patrice Talon et son entourage, bref il a été une erreur dans l’histoire politique du Bénin. Il y a aussi le code électoral actuel qui pose beaucoup de problèmes liés au seuil fixé à 10%.
A vous entendre, l’actuel code électoral pose assez de problèmes. Dans ce cas, comment votre parti politique « Les Démocrates », compte faire pour changer la donne ?
Nous sommes opposés au code électoral qui est dangereux pour le pays. Ce code a deux articles qui pose assez de problèmes notamment dans l’attribution des sièges avec le seuil fixé entre 10% et 20% pour être en règle. Nous sommes un parti socio démocrate, nous allons faire de plaidoyers pour une relecture du code électoral pour naturellement faire en sorte que tous les partis politiques puissent prendre part aux élections sans exclusion. Et le camp présidentiel veut que la Cour constitutionnelle traite cette question alors qu’elle n’a pas compétence en la matière.
On va à présent parler de la relance économique du Bénin, c’est quoi l’état des lieux ?
Aujourd’hui, l’économie Béninoise est beaucoup plus théorique que pratique. Chaque fois le ministre des finances, tous les membres du gouvernement s’y prennent la parole le Bénin est premier en si, premier en ça, mais le panier de la ménagère nous vivons avec la population. On n’a l’impression que tous les indicateurs ne tiennent pas compte des ressentis des populations. Aujourd’hui, c’est difficile pour les populations d’avoir un repas par jour au pays. Les producteurs d’anacarde, de soja ou d’acajou ont du mal à vendrent leur production. Il y a assez de mensonge dans ce que dit le pouvoir en place.
Dans ce cas, au niveau de votre parti politique, c’est quoi le plan, la stratégie pour relancer l’économie Béninoise ?
A notre niveau, il faut d’abord la participation de toutes les communautés dans la définition des plans de développement. C’est pourquoi très tôt, nous avons entamé une série de tournée au niveau des arrondissements pour recenser les priorités au niveau de chaque localité. Ce qui nous permettra ensemble de définir ce que nous pouvons faire pour les populations. Nous sommes un parti socio démocrate, donc nous mettons l’axe sur le capital humain, c’est-à-dire prendre en compte les réalités des régions et zones pour développer le pays.
Plus qu’un slogan, les promesses de Patrice Talon comme pour bon nombre de candidats à la magistrature suprême, ne sont que des théories. Parce que d’abord la rédaction des programmes politiques de campagne est beaucoup plus le fruit de la collecte d’informations qui émanent presque intégralement des cadres que des réalités du terrain.
Il est rare de trouver un programme politique qui s’inspire du buttom up, du dialogue itinérant avec les communautés dans chaque village, arrondissement, commune ou département. C’est pour cela que vous ne verrez jamais ici au Bénin, dans les programmes politiques par exemple, la prise en compte et l’entretien des manguiers de Parakou, ou une consultation à la base qui met en lumière l’état des fermes agricoles autour de Parakou. Soit même les besoins d’installation d’une distillerie de sodabi dans les départements du Couffo.
Nous commettons la grave erreur de ne prendre en compte que les desiderata des élites qui déjà dans leur mentalité, semblent détenir les réalités du pays. Et c’est justement eux qui montent les programmes politiques selon leurs propres intérêts et jamais au regard des réalités et expertises des communautés.
En résumé, dans le programme politique, chaque ferme d’État ou privée, chaque unité de production du choukoutou ou de jus de fruits tropicaux, jusqu’au sodabi, seront intégrés dans une dynamique communale sans discrimination mais avec la conservation de la diversité des pratiques. C’est le boom de l’emploi. Le rôle du gouvernement ne sera que l’organisation, la surveillance et la facilitation des marchés d’écoulement des produits, la subvention à l’employabilité auprès des structures et des unités de production.
L’Agriculture Béninoise qui constitue le poumon de la croissance économique, semble aujourd’hui en difficulté. Selon vous, quelles sont les principales raisons de ce déclin ? Quelles solutions préconiseriez-vous pour revitaliser ce secteur vital et garantir la sécurité alimentaire au Bénin ?
Il est temps que les cadres au niveau du ministère de l’agriculture quittent les bureaux pour aller en contact avec les populations. Nous estimons que les programmes que nous voulons mettre en place, il faut qu’à l’avenir que l’Etat dispose de fermes agricoles et que les ingénieurs fassent l’expérimentation sur le terrain.
La solution pour une agriculture en déclin : Il faut d’abord avoir le courage républicain et souverain de permettre et de créer l’agriculture. Le Bénin n’a pas encore opté pour l’agriculture. Nous sommes dans la cueillette. L’eau est fournie par DIEU qui fait que nous sommes tributaires des aléas. La base même de l’agriculture, c’est la subvention. C’est obligatoire et non négociable. Subventionner non seulement les terres, mais surtout les producteurs à travers l’inventaire et l’agrégation du capital terre, l’harmonisation spatiale, la professionnalisation spéculaire, la revue des itinéraires techniques, la déclaration des acteurs, la mécanisation, l’ouverture des marchés de consommation dans une vision circulaire etc.
Pour y arriver, il faut des plateformes. Et le ministère de l’agriculture doit servir de modèle et de cheville ouvrière. Le gouvernement doit disposer de ses étendues agricoles pour toutes les spéculations afin de pouvoir servir de modèle pour les prix que pour la qualité et la quantité. Le gouvernement qui n’a pas ses champs et ses fermes témoins, ne peut pas subventionner l’agriculture. À ce niveau, c’est uniquement les cadres qui interviennent. Pas de semi avec un métayer, ni de gardien. Uniquement les cadres à la tâche et non à la conception. Puis les récoltes à bonne date avec tout le cycle de distribution jusqu’à la valorisation des déjections issues de la consommation des produits. Celui qui n’a pas de forge ne devrait pas aller conseiller des forgerons sur le progrès de la Forge. C’est cette politique malicieuse qui a maintenu l’agriculture à son stade primitif au Bénin avec la confusion entre paysannerie, agriculture de subsistance et production agricole qui dépossède et évolue dans la cacophonie. L’État béninois lui-même doit savoir produire une partie des vivres essentielles pour les béninois. Nous ne parlons pas des cultures à exporter. Non. Mais des cultures à consommer en filière complète jusqu’à l’après digestion. Si l’État béninois choisit le Coton dans ses spéculations expérimentales, alors il faudra tout transformer sur place dans ce cas et le faire porter aux béninois (médecine, tenues scolaires, armées, festivités, membres du gouvernement…) avant d’exporter.
Le développement de l’agriculture dépendra forcément de notre amour et coutume de consommation. Les restaurants universitaires, scolaires, hôpitaux, ateliers, séminaires…, ne peuvent pas s’abonner à l’importation et nous allons développer l’agriculture. Et pour y arriver, il ne s’agit pas d’un slogan de consommer Local. Il s’agit forcément de planifier d’abord la production, subventionner ouvertement et en permanence l’agriculture, statuer sur le métier agricole pour permettre et faciliter le retour des formés (agronomes et sciences connexes) dans leur profession de base qui ne devrait pas être la recherche et l’enseignement.
On va parler de l’actualité liée aux récents coups d’Etat en Afrique. Quelle est votre lecture de cette situation ? Et quelle solution préconisez-vous pour le respect des principes démocratiques ?
Je suis un député du parlement de la Cédéao. Et lors des derniers travaux de la session ordinaire du parlement, on n’a parlé et discuté, ça crée un tollé. Mais je dis et je répète, il ne sert à rien de sanctionner que les coups d’Etat militaires. Parce que, les coups d’Etat civiles sont beaucoup plus dangereux que ceux militaires. Nous avons vu dans plusieurs pays où les présidents ont voulu faire un troisième mandat, mais ça ne s’est pas fait les bras croisés. Ya des centaines de populations qui sont décédées personne n’en parle. Nous disons, il ne doit pas y avoir du deux poids deux mesures, les institutions régionales et internationales doivent sanctionner tous les coups d’Etat et au même titre . Nous prenons le cas du Bénin, on peut dire que le président Patrice Talon est là par un coup d’Etat, parce qu’en 2021, pour se faire réélire, il a dû exclu des opposants et candidats sérieux. Et la Cédeao avait envoyé des représentants pour dire que tout est bon. L’alternance permet de développer nos pays.
Entretien réalisé par Bhoye Diallo