
À chaque étape critique de l’histoire de la Guinée, ils réapparaissent. Silencieux quand il faut parler, bruyants quand il faut réfléchir. Les opportunistes politiques de tous bords, ces spécialistes du retournement de veste, peaufinent déjà leurs chorégraphies pour danser au rythme de la prochaine mélodie du pouvoir.
Hier encore, ils étaient les architectes zélés du troisième mandat inconstitutionnel d’Alpha Condé. Ils ont chanté ses louanges, justifié l’injustifiable, piétiné l’esprit de notre Constitution. Quand le vent a tourné, ces mêmes voix ont disparu…pour réapparaître, cette fois aux côtés du Général Mamadi Doumbouya, lui tressant des couronnes de lauriers, parfois même avant qu’il ne se déclare candidat. Comme s’il suffisait de changer de monture pour effacer les fautes du cavalier.
D’autres, bras droits d’un leader historique de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, ont également rejoint ce grand carnaval politique, abandonnant des années de lutte pour quelques miettes d’influence. Ces actes ne sont pas anodins : ils sapent la confiance populaire, brouillent les repères moraux, et enfoncent la Guinée dans une spirale de désillusion.
Une génération d’illusions recyclées
Ceux-là n’ont pas de convictions. Ils ont des intérêts. Ils ne militent pas : ils manœuvrent. À chaque régime, leur loyauté bascule. Leur seule constante est l’ambition personnelle, jamais le progrès collectif. À défaut de semer des idées, ils pollinisent les illusions.
Aujourd’hui, ils s’agrippent au Général Doumbouya, non pas parce qu’ils croient en une vision nouvelle, mais parce qu’ils flairent l’opportunité d’une continuité… à leur profit. Cette attitude n’est pas seulement irrespectueuse envers l’homme, elle est dangereuse pour la nation. Car elle place les ambitions individuelles au-dessus du projet républicain.
À Alpha Condé : pardonnez, mais tirez les leçons
Monsieur l’ancien président, vous avez été trahi. Par ceux qui vous ont poussé vers un troisième mandat, qui ont applaudi quand il fallait alerter, qui ont disparu quand le sol s’est dérobé sous vos pas. Vous méritez qu’on vous demande pardon pour cette trahison silencieuse, d’autant plus blessante qu’elle venait de proches collaborateurs. Que cette douleur serve à éclairer les générations futures : il n’y a pas de fidélité dans l’opportunisme.
À Cellou Dalein Diallo : tenez bon
Vous avez incarné, pendant des décennies, l’alternative et l’espoir. Vous avez été sali, affaibli, trahi parfois par ceux qui ont mangé à votre table et combattu à vos côtés. Mais la vérité ne se dissout pas dans le bruit. Ce n’est pas le moment de fléchir. Votre résilience sera l’héritage le plus précieux à transmettre à ceux qui croient encore en l’éthique de l’engagement.
À Mamadi Doumbouya : soyez vigilant
Monsieur le Président de la transition, vous incarnez encore l’espoir de rupture. Mais prenez garde. Ceux qui vous applaudissent le plus fort aujourd’hui sont souvent ceux qui ont sifflé hier contre les principes que vous prétendez défendre.
Ils ne servent pas le pays, ils servent leurs intérêts. Ils ne veulent pas votre succès, mais votre capital politique. Restez lucide. Ne vous laissez pas prendre en otage. Ne les laissez pas transformer votre vision en un nouveau prétexte de manipulation.
La Guinée mérite une rupture réelle
Ce peuple a trop souffert de ces trahisons déguisées en loyautés, de ces coalitions d’intérêt sans colonne vertébrale. La démocratie guinéenne ne survivra pas à un nouveau cycle de duplicité. Elle a besoin d’un réveil des consciences, d’un retour aux principes, d’un leadership intègre.
Il est temps de dire stop. Stop aux applaudisseurs professionnels. Stop à la politique du ventre. Stop aux alliances à géométrie variable.
Assez de camouflage idéologique. Assez de transhumance politique. La République ne peut plus être un tremplin pour les carriéristes sans convictions.
L’appel à une génération de bâtisseurs
Cette tribune est un cri. Un cri de lucidité. Un appel au réveil. Je m’adresse à la jeunesse, à la société civile, aux femmes et aux hommes de conviction : le moment est venu de relever la tête. De construire des partis solides, des mouvements enracinés dans des idées claires, des leaders fidèles à leur parole.
La vraie transition que la Guinée attend n’est ni militaire, ni simplement électorale. Elle est morale. Elle commence en chacun de nous. Elle exige du courage, de la cohérence et de la lucidité. Car bâtir une nation, ce n’est pas suivre le vent. C’est planter des racines.
A bon entendeur salut ! D’ici-là, merci de contribuer au débat.
Elhadj Aziz Bah
Consultant principal en gestion, auteur et expert en transformation stratégique
Caroline Du Nord, USA
*Note de l’auteur : Acceptons la pluralité d’idées. Pas d’injures, et rien que d’arguments.