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Du fonds souverain en Guinée : quelle opportunité ? (Par Mohamed Cissé)

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Dans un contexte de transition politique, la Guinée est confrontée à un débat récurrent sur la volatilité des prix des produits pétroliers et ceux des autres matières premières. A peine a-t-il pris le pouvoir, le CNRD a jugé nécessaire de baisser le prix du carburant à la pompe de 11 000 GNF à 10 000 GNF. Si les uns y voyaient une attention particulière accordée aux citoyens, les autres y trouvaient une décision hâtive qui pourrait peser sur les finances publiques. La contraction des recettes surtout celles issues du partenariat au développement augmente la pression sociale et risque de causer l’anxiété budgétaire.

Si la volatilité des cours des ressources naturelles obéit au mécanisme de marché, dans le cadre budgétaire, des institutions peuvent-elles être établies afin de faire face aux imprévus récurrents pouvant toucher à la qualité de délivrance des services publics sociaux de base.

Une pratique répandue dans le monde, surtout dans l’essentiel des pays riches en ressources naturelles, est la création du Fonds souverain qui est un fonds d’investissement détenu par l’Etat et généralement alimenté par les recettes tirées des ressources naturelles, les excédents budgétaires et les excédents de la balance de paiement. Faudrait-il noter que tous les fonds ne sont pas alimentés par les matières premières ? c’est le cas de Korea Investment Corporation de la Corée du sud, Khaznah Nasional de la Malaisie et National Social Security Fund de la Chine entre autres.

Sur des dizaines de fonds souverains dans le monde en 2019 (il y en avait 78 en 2018), cinq (05) fonds ont constitué le Top 5 avec 3 846,78 milliards de dollars. Il s’agit respectivement de Government Pension Fund de la Norvège, China Investment Corporation de la Chine, Abu Dhabi Investment Autority des Emirates Arabes Unis, Koweït Investment Autority de Koweït et Autorité Monétaire de Hong Kong Portefeuille d’investissement de la Chine-Hong Kong, selon statista.

La Guinée, à l’instar des autres pays riches en ressources naturelles, dispose-t-elle d’un fonds souverain ?

Selon nos entretiens avec des cadres des finances, la Guinée ne dispose pas encore de fonds souverain. Ces entretiens sont confortés par l’évaluation de la Guinée parNatural Resource Governance Institute à travers l’« Indice de gouvernance des ressources naturelles 2021 ». Selon le rapport d’évaluation de cette organisation, «la sous-composante « Fonds souverains » reste inapplicable car une telle institution n’existe pas encore en Guinée».

Qu’est-ce que la Guinée gagnerait en instituant un tel fonds ?

  • Premièrement, le découplage des dépenses et recettes publiques à court terme. Il s’agit de casser le cycle expansion-contraction en dissociant les dépenses gouvernementales courantes des recettes volatiles provenant des ressources naturelles. Cela permettrait à la Guinée de protéger la politique budgétaire de la volatilité des cours des matières premières par la création d’un fonds de stabilisation. Lorsque les recettes réelles tirées des ressources naturelles sont supérieures aux recettes structurelles, le gouvernement alimente le fonds. Lorsque ces dernières sont supérieures, le gouvernement prélève dans le fonds. C’est le cas de General Reserve Funds du Koweït qui est un exemple de fonds de stabilisation.
  • Deuxièmement, la création d’un fonds d’épargne permettrait d’assurer la viabilité budgétaire de long terme. Cela est mis en œuvre par la fixation d’un solde primaire structurel durable soit un solde primaire hors ressources naturelles durable. Entendons-nous par solde primaire un solde avant paiement des intérêts des emprunts. Le Future Generations Fund du Koweit est également un exemple de fonds d’épargne.

Les deux fonds (fonds de stabilisation et fonds d’épargne) constituent le fonds souverain qui nécessite une gouvernance vertueuse et un cadre d’investissement fiable. Il est donc clair que le prix de la stabilité est la constitution d’une épargne de précaution dont la gestion doit obéir aux exigences de bonne gouvernance.

De ce qui précède, l’on se demanderait de l’opportunité de création du fonds souverain par le CNRD. Précisément, les conditions économiques déjà inquiétantes permettent-elles cette innovation dans le dispositif macroéconomique guinéen ?

En plus de l’hypothèse faible de mobilisation des recettes budgétaires par rapport à la prévision définie dans l’ordonnance du Président de la Transition, le manque de visibilité sur l’horizon dans le secteur privé et le statut encore « jaune » d’un pays potentiellement exposé si non qu’exposé aux multitudes de sanctions d’ordre financier rendent difficiles le financement des besoins sociopolitiques de surcroit la constitution d’un tel fonds. Quand bien même que ces recettes seraient mobilisées, le renforcement du taux prévisionnel d’investissement pourrait compliquer une telle réalisation sans oublier la non prise en compte d’un tel dispositif dans le cadre budgétaire actuel. D’autres contraintes pourraient bien peser sur l’administration financière du pays selon les données en leur disposition.

Cette hypothèse est-elle valable pour les années qui suivent ?

Tout dépend du risque pays de la Guinée et l’engagement politique des dirigeants à se doter d’instruments à la fois de couverture et de transfert intertemporel de richesses. Néanmoins, dans les temps qui suivent, nous déclinerons des principes de gouvernance d’un tel fonds et les axes potentiels d’investissement pouvant renforcer sa viabilité.

Mohamed CISSE

Enseignant chercheur à l’UGLCS

Doctorant à l’UVS

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