Guinée : les hommes de médias doivent s’unir, ou périr (par Alpha Mamadou Diallo)

Le Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD), la junte militaire qui a renversé Alpha Condé le 05 septembre 2021, avait promis d’en finir avec les mauvaises habitudes. Mais, l’on s’est retrouvé devant une farce où les « libérateurs », applaudis par défaut, se sont mués en « vampires insatiables ». Au-delà des errements politico-judiciaires, les tenants du pouvoir ont démontré leurs limites, s’inscrivant dans une logique de démolition de la presse. En tout cas, celle qui ne baigne pas dans la complaisance et la compromission. Face à cette menace existentielle inédite, la famille de la presse n’a plus le choix que de s’unir, ou périr !

« Les sauterelles qui sont en train de frire dans une même poêle ne devraient pas se donner des coups de pattes ». Cette maxime est plus que d’actualité en Guinée en ce qui concerne la presse indépendante. Plus que jamais dans l’œil du cyclone, les médias de notre pays, jaloux et soucieux de leur indépendance, doivent agir de concert face aux actions liberticides qui restreignent leur marge de manœuvre.

Que ne nous avaient-ils pas promis le jour du braquage ? A la veille du 05 septembre 2021, « nous étions au bord du gouffre, nous a-t-on fait croire. Mais depuis, nous avons fait un grand pas en avant… vers le gouffre ». Pour paraphraser le célèbre écrivain et dramaturge congolais, Gérald Chicaya U’Tamsi. Le masque a fini par tomber. Le doux agneau s’est révélé être un loup dans la bergerie, décidé à s’abreuver du sang des médias indépendants.

Ces derniers n’ont comme moyens de défense que la plume et le micro. Au-delà, l’indispensable unité d’actions est désormais la voie du salut. Le Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG), fer de lance de la lutte contre le musellement des médias, a fait de son mieux. Malheureusement, les patrons de presse ont préféré jouer aux spectateurs, en défendant leur bifteck, laissant le SPPG et les journalistes face à la meute déchaînée. Leurs entreprises risquent hélas de mettre la clé sous le paillasson.

Sékou Jamal Pendessa (secrétaire général du SPPG), Abdoul Latif Diallo (directeur du site Depecheguinee.com), Habib Marwane Kamara (chroniqueur à Djoma médias), Mamoudou Babila Kéita (Insquisiteur.net et Hadafo médias), en savent quelque chose. La Haute autorité de la communication (HAC), à la tête de laquelle trône une icône de la presse nationale, n’a pas fait « le sale boulot » dans cette affaire. Elle a juste appliqué les dispositions réglementaires…

Au même moment, plus de 500 journalistes sont affectés par les restrictions imposées à leurs médias : Djoma médias, Evasion, Groupe Fréquence Médias (GFM) et Hadafo médias. Avant eux, le site d’informations Guineematin.com avait connu le même scénario infernal. Les médias guinéens traversent la pire période de leur histoire. Peut-on décider de la fermeture d’une entreprise, fut-elle une entreprise de presse, sans aucune procédure judiciaire ? La HAC n’a-t-elle pas le devoir de défendre les entreprises de presse et le droit du public à l’information ? Que sont devenues les émissions Mirador (FIM FM), les Grandes Gueules (Espace FM), On refait le monde (Djoma médias) ?

« Un journaliste ne peut espérer faire du bien sans s’attirer une bonne dose de haine », disait Henry James, artiste, écrivain. Malheureusement, cette « haine » a atteint son paroxysme en Guinée. On a touché le fond, que certains veulent encore creuser. Mais, la presse survira aux turpitudes de ceux qui nous gouvernent.

Victor Hugo, l’immense écrivain français, avait bien raison de donner cet enseignement, toujours d’actualité : « Quel est l’auxiliaire du patriote ? La presse. Quel est l’épouvantail du lâche et du traître ? La presse. Je le sais, la presse est haïe, c’est là une grande raison de l’aimer ».

Il est temps pour les journalistes, tous médias confondus, du public comme du privé, de faire preuve d’une union sacrée pour se tirer de ce mauvais pas. C’est le fondement de notre démocratie qui est en péril. Ce noble combat doit être mené par toutes les consciences lucides de notre pays : société civile, organismes de défense des droits humains, et même les partenaires de la Guinée.

Alpha Mamadou Diallo, journaliste indépendant

 

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