Les banques européennes se retirent peu à peu des marchés africains en raison de régulations plus strictes mais aussi de la compétitivité accrue des banques africaines, mieux adaptées aux marchés locaux.
Le départ des grands groupes bancaires européens de plusieurs marchés africains continue d’animer les discussions dans le secteur, à mesure que de nouvelles annonces de cession de participations sont faites. Après BPCE et BNP Paribas, Société Générale est le dernier groupe français qui poursuit actuellement avec son processus de désengagement du continent.
En dehors de ces groupes français, on peut citer Barclays et Standard Chartered Bank, qui ont cédé l’ensemble de leurs actifs en Afrique. Pour Henry-Claude Oyima, PDG du groupe bancaire BGFI basé à Libreville au Gabon, ces départs sont une conséquence logique et une opportunité pour des entités comme celle qu’il dirige.
« La compétitivité des banques africaines s’est renforcée ces dernières années, ce qui explique en grande partie le désengagement croissant des banques occidentales moins adaptées aux risques et aux évolutions des marchés africains. Ces départs nous offrent l’opportunité de consolider notre position sur le continent », a-t-il déclaré à l’Agence Ecofin.
De nouvelles exigences en matière de gestion des risques et de conformité ont progressivement limité la capacité des grands groupes bancaires européens à progresser dans les services de banque de détail. En effet, les règles de Bâle III imposent à ces groupes de mettre de côté plus de fonds propres pour chaque risque pris, ainsi que sur la totalité de leurs actifs, y compris certaines garanties.
Dans ce contexte, il est devenu difficile pour ces groupes bancaires européens de mener des stratégies agressives de croissance, même si l’Afrique reste un continent où les marges de progression pour le secteur bancaire sont intactes. Les groupes africains ont donc continué de progresser dans toute la région. On citera Ecobank, ainsi que les banques marocaines (Attijariwafa Bank, Banque Centrale Populaire, Bank of Africa) et sud-africaines (Standard Bank Group, FirstRand, Absa Group) qui ont lancé la conquête.
Elles ont été suivies par des groupes nigérians (United Bank for Africa, Guaranty Trust Bank, Access Holding), et par des entités comme BGFI Group en Afrique centrale et de l’Ouest ainsi qu’à Madagascar, ou encore Kenya Commercial Bank et Equity Holding en Afrique de l’Est.
Pour illustrer cet effet d’éviction des banques étrangères, Ecobank est le groupe bancaire le plus présent dans les pays de la CEDEAO, suivi par les banques marocaines. Les banques nigérianes dominent sur un marché de plus de 200 millions d’habitants.
BGFI Group, compte déjà une dizaine de filiales en Afrique ainsi qu’une autre en France, et continue d’afficher ses ambitions dans ce contexte. Le groupe financier, qui a une large base d’investisseurs incluant ses salariés, des institutionnels publics et privés, ainsi que de grands acteurs privés nationaux ou étrangers, est actuellement en train de finaliser l’achat des parts cédées par Société Générale au Congo, pays qui a accueilli sa première filiale étrangère en 2000. Dans une interview accordée au journal français « Les Echos », son PDG n’exclut pas de se positionner pour le rachat des filiales camerounaise et ghanéenne de Société Générale, si l’opportunité se présente.
Au-delà des questions de compétitivité et de connaissance du terrain, les groupes africains profitent d’une régulation du secteur bancaire accommodante, d’une quantité confortable de fonds propres leur permettant d’être ambitieux sur les crédits accordés à l’économie, et d’une rentabilité enviable.
Selon des données consultées par l’Agence Ecofin, le rendement moyen des fonds propres pour des groupes comme Barclays, BNP Paribas et Standard Chartered Bank a été d’environ 6,7% au cours des 12 derniers mois. Pour au moins 7 grands groupes bancaires africains, incluant Standard Bank Group, Absa Group, Attijariwafa Bank, Bank of Africa, United Bank for Africa, et Access Holding, ce rendement était de 22,3% sur la même période.
Toutefois, il faut reconnaître que cette rentabilité en valeur relative reste modeste. Le bénéfice net cumulé des 7 groupes bancaires analysés a donné un total de 5,4 milliards $ à la fin de l’année 2023. On est loin des 9,6 milliards $ réalisés par BNP Paribas seule. D’autre part, le départ des grands groupes bancaires du continent africain ne signifie pas le retrait des investisseurs étrangers dans le secteur.
On trouve dans le capital de ces banques « africaines » une présence notable de fonds d’investissement, qui apportent le capital en devises nécessaire. Par ailleurs, les groupes africains sont encore peu présents dans la banque d’investissement, un secteur dominé par des groupes comme l’américain Citi, et les groupes français BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole.
Source Agenceecofin.com
L’avancée des banques africaines accélère le retrait des banques européennes
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