Le journaliste Caleb Kolié écris au Général Mamadi Doumbouya ( Lettre ouverte)

Lettre ouverte au Général Mamady Doumbouya, Président de la Transition Guinéenne.

Monsieur le Président de la Transition,

Permettez-moi tout d’abord de vous saluer avec le respect et la considération que mérite votre fonction, ainsi que l’engagement que vous avez pris pour la Guinée. Je m’adresse à vous aujourd’hui en tant que citoyen préoccupé par l’avenir de notre pays, animé par un esprit de dialogue et de construction. Je tiens à vous rappeler que j’ai eu l’honneur de vous rencontrer deux jours seulement après la prise du pouvoir, et je maintiens tout ce que je vous ai dit ce jour-là. Vous étiez, et vous restez à mes yeux, cet homme plein d’ambition pour la Guinée, celui que j’ai quitté dans votre bureau avec l’espoir d’un avenir meilleur pour notre nation.

Aujourd’hui, cet espoir est mis à l’épreuve par une situation socio-politique tendue, qui menace la cohésion nationale et la stabilité de notre pays. C’est pourquoi je me permets de vous adresser ce plaidoyer, avec la conviction que vous êtes en mesure d’apaiser les tensions et de poser les bases d’une réconciliation durable.

1. La nécessité d’apaiser le climat socio-politique.
La Guinée traverse une période critique, marquée par des divisions profondes et des frustrations accumulées au fil des décennies. Pour éviter une escalade des tensions, il est impératif de prendre des mesures courageuses et inclusives. Parmi celles-ci, la question de votre éligibilité à la prochaine élection présidentielle, si la future constitution le permet, est un sujet qui divise. Vous avez, dans les jours qui ont suivi la prise du pouvoir, fait la promesse que ni vous, ni aucun membre du CNRD ou du gouvernement, ne seriez candidat à quelque élection que ce soit. Cependant, il est important de reconnaître que ces promesses ont été faites dans un contexte d’euphorie et de méconnaissance des réalités du pouvoir.

Si vous décidiez de vous porter candidat, cela ne devrait pas être perçu comme une trahison, mais comme une évolution naturelle de votre engagement pour la Guinée. Cependant, pour que cette décision soit acceptée par tous, elle doit s’accompagner de mesures fortes et symboliques, visant à rétablir la confiance et à apaiser les cœurs.

2. Les préalables indispensables à une réconciliation nationale.
Pour que votre éventuelle candidature soit légitime et acceptée, il est essentiel de créer un climat de confiance et d’inclusion. Voici quelques mesures que je vous propose de considérer :

– La libération des figures politiques emblématiques : En utilisant le mécanisme de la grâce présidentielle, vous pourriez procéder à la libération du Capitaine Moussa Dadis Camara, ainsi que d’autres ténors de la politique guinéenne. Cette démarche serait un geste fort en faveur de la réconciliation.
– Une loi d’amnistie : Le Conseil National de la Transition (CNT) pourrait initier une loi d’amnistie permettant à ces personnalités de recouvrer leurs droits civiques et de participer pleinement à la vie politique.
– Le retour des exilés : Autoriser et protéger le retour de tous ceux qui se sentent menacés par la justice ou le CNRD est une étape cruciale. Ces acteurs doivent pouvoir participer aux élections et contribuer à la reconstruction de notre pays.
– Une commission vérité, pardon et réconciliation : Pour ne pas tordre le bras à la justice, il est nécessaire de créer une commission indépendante chargée d’exposer, sans tabou, les crimes commis sous tous les régimes. Cette commission devra œuvrer pour la vérité, le pardon et la réconciliation, afin de tourner la page des divisions passées.

3. Penser aux victimes et honorer leur mémoire.
La réconciliation ne peut se faire sans penser aux victimes des régimes successifs. Je vous propose de dégager un fonds national d’indemnisation pour les victimes et leurs familles, ainsi que d’ériger des monuments à la mémoire des disparus. Ces gestes symboliques sont essentiels pour garantir que de telles tragédies ne se reproduisent plus jamais en Guinée.

4. Un leadership tourné vers l’avenir.
Les progrès que vous avez réalisés sur le terrain, notamment dans les domaines de la gouvernance et des infrastructures, sont indéniables. Ces réalisations, combinées aux mesures de réconciliation que je propose, constitueraient des arguments solides pour justifier votre éventuelle candidature. Vous seriez alors en mesure de demander la confiance du peuple, au même titre que tous ceux qui seront éligibles selon la nouvelle constitution.

5. Éviter la fuite en avant.
Organiser des élections à tout prix, sans avoir préalablement apaisé les tensions et réglé les contentieux historiques, serait une erreur stratégique. Cela reviendrait à traiter une plaie en y laissant le pus. La Guinée a besoin d’un processus électoral inclusif et transparent, mais aussi d’un travail en profondeur pour guérir les blessures du passé.

Monsieur le Président, la Guinée a besoin de votre leadership pour sortir de cette crise. En prenant les mesures que je vous propose, vous démontrerez que votre ambition est avant tout celle de la nation. Vous avez l’opportunité historique de poser les bases d’une Guinée réconciliée, stable et prospère.

Je vous exhorte à agir avec courage et sagesse, en plaçant l’intérêt supérieur de la Guinée au-dessus de toute considération personnelle ou partisane. C’est ainsi que vous honorerez la confiance que le peuple guinéen a placée en vous.

Dans l’espoir que cette lettre trouvera écho en vous, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.

Respectueusement,
Caleb Kolié, Journaliste
Citoyen engagé pour la Guinée

Facebook Comments
Le journaliste Caleb Kolié écris au Général Mamadi Doumbouya ( Lettre ouverte)