Quelle garantie l’administration publique offre pour organiser des élections justes et transparentes ? (Par Me Traoré)

À propos de l’organe de gestion des élections et en partant de 1990, c’est le ministère de l’Intérieur qui organisait les élections. L’on se souvient de l’annulation en 1993 du scrutin dans les préfectures de Kankan et de Siguiri, qui étaient et qui ont d’ailleurs toujours été considérées comme des fiefs du RPG, principal parti d’opposition à l’époque. Selon certains, si les résultats obtenus, lors de cette élection présidentielle, par le candidat Alpha Condé dans ces deux circonscriptions, avaient été comptabilisés, ce dernier aurait peut-être contraint le Général Lansana Conté à un second tour, à défaut de remporter le scrutin.
L’histoire nous dira un jour ce qu’il en est.
Depuis lors, l’organisation des élections par l’Administration publique à travers le ministère en charge de l’Intérieur a toujours regardée avec beaucoup de suspicion et de méfiance par la classe politique.
Et pendant de nombreuses années, l’une des principales revendications de l’opposition a été la création d’un organe de gestion des élections plus ou moins indépendant de l’Administration publique. C’est pour donner satisfaction à cette revendication qu’il avait été mis en place la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA). Cette structure ayant montré ses limites, les partis politiques ont réussi à obtenir des années après la création d’une Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). Malheureusement, celle-ci n’a pas répondu non plus aux attentes légitimes de la classe politique et même des citoyens en raison notamment de son caractère quelque peu politique. Mais pas seulement. Il y avait aussi et surtout la très forte implication de l’Administration publique dans le processus électoral. Beaucoup de chefs de quartiers, de sous-préfets, de préfets, de gouverneurs et même de magistrats roulaient pour le parti au pouvoir. Pire, on a même vu des hommes en uniforme s’emparer d’urnes et de les emporter avant même la fin des opérations électorales.
Finalement, de nombreux observateurs ont pensé qu’il serait préférable de mettre en place une CENI dite technique. « Technique » en ce sens que ses membres seraient choisis, non pas en raison de leur appartenance à un parti politique, comme c’était le cas certains membres des CENI qu’on a connues, mais en fonction de critères objectifs liés notamment à leur expertise dans le domaine électoral et leur intégrité.
C’est d’ailleurs cette option qui a été retenue par le CNT dans l’avant-projet de constitution, en tenant compte des préoccupations et avis exprimés par des citoyens et certains acteurs politiques et de la société civile.
S’il faut expérimenter une formule en matière d’organe de gestion des élections, la logique aurait voulu qu’il s’agisse de celle que la Guinée n’a jamais connue à savoir un organe technique indépendant de gestion des élections, tel que prévu dans l’avant-projet de constitution. Mais on ne peut expérimenter une ancienne formule, une formule qui a été éprouvée et qui n’a pas donné les résultats escomptés. On ne peut expérimenter que ce qui est nouveau mais pas ce qui a déjà existé et qui n’a pas été satisfaisant.
Il est tentant de rappeler que dans beaucoup de pays y compris en Afrique, les élections sont organisées par l’Administration publique.
Mais cela suppose préalablement que la notion de service public soit au cœur de l’action de celle-ci et qu’elle soit totalement dépolitisée. On se souvient quand même que l’une des justifications du coup d’État du 5 septembre 2021 était la politisation à outrance de l’Administration publique. Est-on parvenu à la dépolitiser aujourd’hui ? Quelle garantie offre-t-elle pour organiser des élections justes et transparentes?
Voilà des questions qui devraient faire l’objet de débats afin que les réflexions des uns et des autres puissent orienter toute prise de décision dans ce sens.
Et ces questions, loin de cacher un quelconque procès d’intention, sont basées sur notre vécu en matière d’organe de gestion des élections. Ce vécu doit servir de source d’inspiration pour nos dirigeants.

Me Mohamed Traoré
Ancien Bâtonnier

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Quelle garantie l’administration publique offre pour organiser des élections justes et transparentes ? (Par Me Traoré)